Des politiques complètement dépassés (2) : Que faire ?

Publié le par Verdun

Après avoir été établi le constat ici, je vous propose de brosser quelques éléments de réflexions sur des solutions à venir, en prenant soin que les effets indésirables des remèdes ne soient pas pires que le mal (certes, au regard de ce que nous vivons aujourd'hui, il y a de la marge...).

 

La recherche de solutions doit passer par plusieurs pistes tenant à la fois au statut des hommes politiques eux-mêmes, mais aussi au bon fonctionnement des institutions démocratiques, à commencer par la reconnaissance du rôle essentiel du 4ème pouvoir, celui des Institutions chargées d'informer les citoyens.

 

UN NOUVEAU STATUT POUR LES HOMMES POLITIQUES :

 

Force est de constater que le statut actuel des hommes politiques, des décideurs est inadapté, incomplet et illégitime.

 

Il est inadapté car il ne remplit aucun de ses objectifs pourtant essentiels : garantir une représentation réelle des citoyens au sein des organes du pouvoir éxècutif ainsi qu'au sein des institutions chargées des contre-pouvoirs.

 

Il est incomplet car des pans entiers de l'activité politique sont laissée sans règles ni limites (conflits d'intérêts, lobbying) alors que les conséquences néfastes de ces matières sont évidentes et nécessitent la mise en place d'un cadre. Il suffit de réaliser que les derniers scandales, y compris les plus choquants, portent sur des comportements loin de constituer des violations évidentes des règles légales.

  

Enfin, le statut actuel est vécu comme profondément injuste et illégitime, notamment en ce qui concerne les avantages financiers versés par la République, qui aggravent la perte de confiance dans des institutions si généreuses avec ses élites et si dures avec la majorité des citoyens, mais aussi en ce que les politiques décident pour eux-mêmes des règles limitant ses avantages... Imagine-t-on les médecins décider sans contrôle de la tarification de leurs actes, ou les entrepreneurs de leur base et taux d'imposition ?

 

Que constate-t-on en pratique ?

 

Sans revenir sur la multiplication des abus, des conflits d'intérêt et des pratiques déviantes, nous pouvons relever qu'il existe aujourd'hui une "classe politique", dont le mode de sélection est totalement aléatoire, et qui ne remplit pas son rôle. Cette "classe politique", composée de décideurs qui se sont "professionnalisés", n'offre pourtant aucun des avantages associés traditionnellement à la professionnalisation : compétence, pérennité et indépendance.

 

Dans le même temps, il existe un blocage évident dans le renouvellement de cette "élite", qui pousse le système progressivement vers une transmission héréditaire - ce qui est historiquement la tendance classique de toutes les évolutions marquées par une perte de puissance d'un pouvoir central : l'autonomie et la transmission héréditaire des pouvoirs locaux ou partiels.

 

Face à ce constat, deux solutions s'offrent à celui qui cherche à proposer des solutions, qui comportent toutes les deux des avantages et des inconvenients qu'il faut bien analyser, car ils ne sont pas neutres :

 

- une solution visant à réformer les modes de sélection de cette "classe politique" associée à l'établissement de nouvelles règles quant à l'exercice du pouvoir politique ;

 

- une solution visant à empêcher la formation d'une "classe politique", à rendre plus difficile la professionnalisation des élites.

 

Après mûres réflexions, il semblerait que seule la seconde solution soit de nature à garantir sur le long terme l'équilibre du système politique, tout en garantissant son caractère démocratique.

 

Elle représente surtout l'avantage d'être la plus simple à mettre en oeuvre puisque reposant sur quelques interdictions de bon sens, ne devant souffrir aucune exception :

 

- prohibition absolue du cumul des mandats, y compris au niveau des candidats (ne peuvent être candidats à un poste que des personnes libres de tout autre engagement politique) : rien ne justifie qu'un élu local soit aussi député ou sénateur ;

 

- restauration d'une stricte séparation des pouvoirs : outre l'absence de cumul entre les fonctions, un membre du pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire ne peut avoir été ou devenir membre du pouvoir exécutif, législatif ou judiciaire avant un délai de carence que l'on pourrait fixer à une durée d'un tiers de l'exercice de ces fonctions par exemple.

 

Cette deuxième interdiction paraît plus draconienne, et va obliger les titulaires d'un mandats ou d'un poste ministériel à effectuer une analyse de leur action, avant d'espérer briguer un nouveau poste. C'est une "prise de recul" imposée et institutionnalisée, que ne pourra qu'être profitable au système.

 

Elle se justifie aussi par la nécessité de distinguer les pouvoirs, et particulièrement de limiter les pressions de l'exécutif sur le législatif.

 

On le voit, il s'agit de prendre le chemin inverse, mais au combien plus légitime démocratiquement, que celui de la dernière réforme de la constitution qui autorise les ministres démissionnaires à redevenir députés ou sénateurs, sans nouveau vote des électeurs.

 

- enfin limitation du nombre des mandats consécutifs ou de la durée d'exercice d'une même fonction ministérielle. Dans le secteur privé marchand, la durée d'exercice optimale d'une fonction de direction est en générale fixée à 6-7 ans (ne cherchez pas, il s'agit de normes non écrites mais pratiquées par exemple dans la grande distribution). Au-delà on considère que les capacités d'innovation et de remises en cause deviennent trop réduites, ce qui représente globalement un désavantage pour la structure nonobstant l'expérience acquise dans le poste.

 

Cette durée peut paraître courte, mais l'absence de possibilité de briguer à nouveau les suffrages après un mandat de 6 ou 7 ans est paradoxalement la garantie d'inscrire son action dans un temps plus long (pour espérer se faire réélire 6 ou 7 ans après la fin de son perécédent mandat, il faut marquer les esprits sur le long terme).

 

Enfin, un exemple récent montre que même pour des fonctions ministérielles différentes, une trop longue présence au pouvoir engendre des problèmes (songeons à la carrière de notre actuelle ministre des affaires étrangères Michèle ALLIOT-MARIE). Aussi une limitation de la durée de présence au sein d'un gouvernement paraît légitime pour éviter les déviances constatées (subies) aujourd'hui.

 

- prohibition absolue des conflits d'intérêts,et d'une manière générale de tous les comportements engendrant une "privatisation" de l'action politique, détournée de l'intérêt public au profit de quelques intérêst particuliers, par la criminalisation d'un délit de privatisation de pouvoirs (pour l'exécutif), ou de violation de mandat (pour le législatif). De même, l'activité de lobbying devra être interdite et sanctionnée pénalement. Il est toujours extraordinaire de constater que dans une Société censée privilégier la souveraineté démocratique, les actions destinées à influencer, par tous moyens y compris les plus onéreux) les décisions politiques au profit d'intérêts privés sont admises comme "normales".

 

Bien évidemment, le contrôle de ces actes délictueux pouvant être commis par les politiques ne devra pas leur être confié, mais soumis à un contrôle du pouvoir judiciaire.

 

Ces interdictions, simples à rédiger et à faire respecter ne sont pas conçues pour brimer ou sanctionner la classe politique actuelle, mais pour garantir une réelle représentation des électeurs. Dans un tel cadre, la "gouvernance sondagière" devient d'un coup obsolète et nos décideurs seront vraisemblablement plus tentés de lâcher des yeux leur cote de popularité pour regarder vers l'horizon.

 

Et surtout, ces interdiction relégitimeraient d'un coup les avantages dérogatoires accordés en terme d'indemnités ou de retraites aux anciens hommes politiques, qui choquent tant aujourd'hui, eu égard au déséquilibre existant entre les avantages et les inconvénients de l'exercice d'une activité politique, par rapport à ceux d'une activité parfois bien plus utile à la Société.

 

En effet, ces avantages pharamineux (au point qu'ils sont aujourd'hui cachés comme des choses "honteuses") peuvent alors s'expliquer par la précarité de la situation des hommes politiques.

 

Ce nouveau statut devrait s'accompagner d'une réforme des partis politiques, de la Cour de justice de la République (seule juridiction statuant sur la sanction à accorder à ses membres sans recours) et le Conseil constitutionnel (avec peut-être l'usage d'un tirage au sort après une sélection drastique des candidats).

 

On le voit, il y en a des choses à modifier !

 

Enfin, un tel statut devra relever de la Constitution et ne pourra être modifié que par référendum. Il est en effet étonnant que le fait que les hommes politiques décident pour eux-même, sans contrôle ni limites (à part un contrôle de constitutionnalité émanant d'un Conseil dont ils désignent les membres) n'interpellent pas plus les vrais républicains.

 

CONSTITUTIONNALISER LE QUATRIEME POUVOIR : LIBERER LES MEDIAS

 

Il est aujourd'hui effarant de constater le décalage entre les effets des médias sur le bon ou mauvais fonctionnement des institutions, et l'absence totale de règles dans la Constitution.

 

L'activité médiatique est réduite à celle d'une activité marchande sans conséquences pour le système politique tout entier. Or, il n'est pas possible dans une démocratie de laisser les médias sous l'emprise d'intérêts privés, livrés à la course au profit.

 

Il en va notamment de la sincérité des scrutins légitimant les pouvoirs législatifs et exécutifs. En effet, un scrutin libre et régulier suppose que les électeurs soient éduqués et informés sur les enjeux et les programmes.

 

Si aujourd'hui, toutes les démocraties ont instauré un statut particulier et protecteur aux élus,  aux Juges et aux avocats (et dans une moindre mesure aux médecins et architectes), qui chacun remplissent une fonction décisive pour la bonne marche d'institutions démocratiques ou sociales, force est de constater que le journaliste, qui a un rôle tout aussi important, est totalement abandonné au contrôle privé.

 

Là encore plusieurs solutions existent pour instaurer un statut des journalistes, à valeur constitutionnelle. Mais la plus simple paraît être celle appliquée à une autre activité privée vitale pour un état de droit : celle des avocats.

 

Un Ordre des journalistes, instance règlementaire et disciplinaire (sous le contrôle des Juges judiciaires), vérifiera l'exercice d'une activité sortie du domaine des affaires, tout en restant privée.

 

Pourquoi ne pas prévoir un serment, comme celui des avocats dont la violation serait passible de sanction disciplinaire ?

 

Enfin, le secret professionnel des journalistes, indispensable à l'exercice de leur mission, pourra être plus facilement géré au sein d'une structure ordinale (comme celui des avocats ou des médecins).

 

En tout état de cause, ces règles devraient prévoir que le contrôle d'une entreprise de médias devra reposer sur un actionnariat de journalistes (comme pour les sociétés d'avocats), dans le cadre d'une activité soumise à des impératifs d'intérêt général juxtaposés aux impératifs de rentabilité classique (comme pour les avocats).

 

En effet, les propositions actuelles de limite la détention des entreprises de médias par des groupes sollicitant des subsides de l'état (marché public) est trop complexe à appliquer en pratique, eu égard à l'opacité naturelle de ces secteurs d'activités, et aux nombreuses méthodes pour contourner de telles limites. 

 

Relevons que certaines de ces idées sont déjà appliquées parfois, mais de manière empirique et partielle : les obligations "déontologiques", la protection des sources et le contrôle par des Sociétés de journalistes de certains médias....

 

Un journaliste devenant aussi indépendant dans l'exercice de son métier qu'un avocat (même salarié), sous réserve du respect de ses obligations déontologiques, on peut espérer que l'information donnée aux citoyens et électeurs sera de nature à leur permettre de mieux effectuer leur choix dans l'isoloir que celle dispensée aujourd'hui par des rédactions aux ordres de grands groupes financiers ou industriels.

 

Bien évidemment ces quelques propositions de solutions, ne sont que des pistes de réflexions, et de débats sur ce qui doit être changé pour que notre République ne connaisse plus les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui.

 

Pour conclure, je n'aborderai pas dans ce billet les moyens pour parvenir à faire adopter ces mesures simples et efficaces pour deux raisons.

 

D'abord, parce que la discussion sur les moyens ne doit pas remplacer celle sur le fond, au risque "d'émasculer" toute proposition alternative par un "de toutes les façons, ça ne passera jamais". Ensuite, parce qu'une fois travaillé et approfondi, un projet de ce type pourra emporter la conviction de certains hésitants par son existence même, et modifier les comportements des politiques par sa seule existence.

 

Et ce sera déjà un grand pas en avant, si les choses changent, même de manière informelle.

 

 

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