Strauss-Kahn candidat en 2012 : une chance pour les souverainistes ?
La candidature de Dominique Strauss-Kahn est aujourd'hui presque certaine pour les primaires. Il suffit pour s'en convaincre de regarder les derniers évènements et surtout la structuration de son action depuis un an. Sous ce titre provocateur, nous voulons maintenant réflechir sur le sens de cette candidature, et particulièrement pour les républicains souverainistes, ou gaullistes "historiques".
Ce que DSK doit faire s'il veut être élu :
De fait la dernière interview de l'actuel directeur du FMI a commencé à donner quelques indices sur les thèmes de sa campagne et son positionnement à venir pour la présidentielle de 2012.
Face aux attaques maladroites et prématurées des séides de l'UMP, ainsi que sur la base d'une analyse approfondie des attentes des français depuis 20 ans et de l'image que peut avoir un dirigeant du FMI, DSK va devoir impérativement "gauchiser" son discours, mais aussi le "nationaliser".
L'idée est de casser une image trop "mondialiste" et surtout trop attachée au système capitaliste libéral. Image qu'il portait déjà lors des primaires de 2007 et qui l'avait mené à l'échec face à Ségolène Royal.
Il s'agira aussi pour lui de se rapprocher du programme que les socialistes sont en train de concevoir, et sur lequel l'influence des "souverainistes" du PS (Hamon, Emmanuelli) est à priori plus forte que ce que l'on pourrait croire, que l'on songe aux "écluses sociales" que Martine Aubry elle-même appelle de ses voeux.
Même si ce programme est loin du compte, c'est déjà le (petit) début d'une démarche dont on est bien en peine de distinguer les prémices à l'UMP (au-delà de déclarations tonitruantesmarketing et vidées d'intérêts faute d'actes).
Donc, DSK va devoir appuyer s'il se veut se faire élire, non pas sur des thématiques euro-libérales et centristes qui n'accrochent plus la majorité des français, mais sur des idées autour de la France, de la Nation et de la défense de ses intérêts.
Cela aura l'avantage :
- d'une part de le distinguer de ses principaux concurrents en se plaçant au centre du PS (et non sur sa droite comme François Hollande qui maintient sa candidature malgré toutes les pressions ou Manuel Valls), pour rassembler un parti qui n'a fait que perdre les présidentielles depuis 20 ans, date à laquelle il s'est "vidé" de toute idéologie, rassembler en faisant la synthèse impossible entre les caciques du parti, totalement libéraux idéologiquement (Coulon, Guérini...) et des courants tels que celui de Montebourg ou de Hamon ;
- d'autre part de combattre une image trop éloignée des préoccupations quotidiennes des français, en revenant vers le terroir, la défense de la France, de ses valeurs nationales etc.... Bref en se présentant comme l'antithèse du monde du Fouquet's.
Bref, si l'UMP va mettre en selle le FN par ses tentatives desespérées de récupérer ses électeurs en privilégiant les thématiques raciales et stigmatisant les communautés (qu'elle a aidé à s'instaurer - mais c'est un autre débat), le candidat DSK devra lui empiéter sur les thèmes et les propositions souverainistes, et piocher dans les débats et argumentaires de ces mouvements trop éclatés actuellement.
C'est une nécessité pour renverser le handicap d'un candidat venant directement de Washington, et aussi parce que je suis convaincu que les élections de 2012 ne se joueront pas au centre mais au retour de l'idée nationale.
Mélenchon l'a compris qui "patriotise" de plus en plus son discours (et il est probable que l'UMP s'y jette également, mais avec la perte de crédibilité liée à son bilan catastrophique et ses projets de convergence avec l'Allemagne).
Si DSK faisait un autre choix, en se présentant par exemple comme le candidat raisonnable, rassurant les milieux financiers, il risque d'obérer ses chances de victoire.
J'insiste sur ce point capital, s'il vise l'élection "par défaut", il peut rater le passage au second tour dans une réédition du 22 avril 2002, car il aura beaucoup de mal à se distinguer de l'UMP ou du Modem. c'est d'autant plus plausible qu'un positionnement trop "centré" lui fera perdre beaucoup de voix à gauche et chez les gaullistes, et prêtera le flanc aux critiques que ses adversaires commencent à développer : FMI, absence d'attachement au terroir, mais aussi contradiction avec le programme socialiste...
Je peux bien évidemment me tromper, comme pour mes prédictions, mais il est intéressant quoiqu'il en soit, de pousser cette analyse prospective plus loin encore.
Si DSK fait le choix d'une campagne avant-tout "nationale", cela peut-il servir la cause souverainiste ?
C'est la vraie question.
Et la réponse n'est pas évidente car elle dépendra de deux facteurs : de la réaction des supporters classiques du mouvement souverainiste (au premier rang Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Pierre Chevènement) et surtout de la sincérité de cette "conversion".
Car ce choix est au départ un choix de nécessité pour DSK, et il est possible que comme Nicolas Sarkozy en 2007, il tourne le dos à ses beaux discours de campagne le lendemain des élections.
C'est vraisemblablement ce que vont craindre les candidats naturels de la mouvance souverainiste. Mais il faudra se garder de trop appuyer ces critiques, en dénigrant une démarche qui est peut-être au départ animée d'une volonté purement électoraliste.
En effet, cela serait réduire les effets d'un positionnement qui n'apportera que des avantages aux sincères souverainistes en plaçant leur thématique au coeur du débat, et qui peut amener une sincère conversion poitique aux propositions que tout esprit sérieux ne peut que prendre en considération, tant la faillite des solutions actuelles est patente.
Imaginons qu'il soit élu avec une campagne offensive et rassemblant une majorité de français autour d'une idée force : replacer la France au coeur de l'action politique, économique et sociale - il suffit de se souvenir de l'effet des discours enflammés de Guaino sur l'élection de 2007 pour réaliser que c'est possible et même probable, DSK se trouvera face à un choix :
- soit renoncer pour poursuivre les politiques actuelles (choix de Nicolas Sarkozy, élu rappelons-le sur un programme de "rupture" et qui a fait de la "continuation"). Ce risque est réel et peut même empirer la situation du pays, si l'on se penche sur l'exemple des socialistes en Espagne ou en Grèce. Mais cela ne pourra que renforcer par ricochet la force des partis vraiment attachés aux idées souverainistes (surtout que cette déconvenue vient après une déconvenue identique de 2007) ;
- soit aller au bout de ce cheminement, et devenir ce que fut Roosevelt aux USA : un pur produit de l'establishment qui choisit de sortir son pays de la Crise en appliquant les solutions certes "non-conformistes" mais efficaces, contre l'avis de tout le sérail (à commencer par la Cour suprême) et finissant par refonder totalement le pacte social autour d'une nouvelle idée de l'Amérique (passant en moins de 20 ans des "raisins de la colère" au Plan Marshall)
Dans les deux cas, il n'y a que du bon à attendre d'une candidature de DSK qui s'appuyerait sur une forte connotation "nationale".
En aura-t-il le courage ? Oui s'il souhaite réellement être élu.
à suivre donc....
Précision du 01/03/2011 :
à la suite du premier commentaire, je dois préciser que ce billet est une analyse d'une hypothèse peu envisagée jusque-là et qui aurait pourtant une certaine logique : un repositionnement souverainiste de DSK.
Si cela peut paraître étonnant quand on connaît les bases idéologiques purement monétaristes du directeur du FMI (voir cet excellent billet), mais cela serait logique s'il veut gagner les élections pour toutes les raisons énoncées ci-dessus.
Ce billet ne constitue donc en rien un ralliement de Verdun à DSK, qui rappelons-le se situe aujourd'hui aux antipodes de l'action du directeur du FMI et des projets de cette frange libérale du PS.
Malgré son évidence, cette précision devait être faite pour éviter toute méprise.